
Le peuple brésilien sera la principale victime du départ des médecins cubains de ce pays d’Amérique du Sud. Photo : Araquem Alcantara
La Havane, 21 novembre – « Nous repartons, mais nous emportons dans nos cœurs l’étreinte du vieil homme et le sourire de l’enfant, l’affection infinie du peuple brésilien, dans les maisons humbles où vous recevez cette invitation à manger une « feijoada » (haricots rouges) ou une « farofa » (farine de manioc servie en accompagnement de tous les plats) mais avant tout avec amour. Je me souviens aussi de ces personnes âgées assises sur des bancs rustiques qui savaient que le docteur sortait à 17 heures, et qui l’attendaient uniquement pour bavarder un moment avec lui. Je continuerai à accumuler des richesses, certes, mais pas des richesses matérielles. Je continuerai à enrichir mon cœur. »
Des messages comme celui-ci, du médecin cubain Yoanner Gonzalez Infante, inondent le réseau ces jours-ci où les humbles du plus grand pays d’Amérique latine paient le prix de l’indolence et de la bêtise. Par le sabotage du programme Mais Médicos (Davantage de médecins), Jair Bolsonaro, le nouveau président élu du Brésil, détruit non seulement la coopération que Cuba a apportée dans le domaine de la santé à ce peuple, mais aussi l’espoir, le droit à la vie des centaines de milliers de Brésiliens qui n’avaient jamais accédé à des services de soins primaires.
Il n’est donc pas surprenant que ces professionnels de la santé – ceux-là mêmes qui ont changé la réalité de zones, comme l’Amazonie, qui jusqu’en 2013 avaient été oubliées et définies comme zones prioritaires pour l’accueil des professionnels de Mais Médicos – critiquent et exigent du respect à ceux qui de toute évidence ont été incapables de tirer des leçons importantes.
« Quiconque s’est battu pour la vie et a pleuré la mort d’une personne ou d’un enfant mérite le respect. Celui qui est allé au bout du monde, au fin fonds du pays, là où on avait tant besoin de lui pour soigner les malades, mérite le respect. Quiconque est loin de sa famille pour redonner le sourire à un vieillard ou à un enfant mérite le respect. Il est absurde que 66 pays dans le monde bénéficient du travail des médecins cubains et que vous veniez dire que nous sommes déguisés en médecins.
«J’exige le respect pour mes collègues. Je demande le respect du libre choix de mon peuple. Je demande le respect des pauvres, de la médecine publique. Je demande aussi à ce monsieur d’étudier ce que signifie l’amour du prochain. Ce que signifie la Patrie. Ce qui signifie dignité, diplomatie, médecine de famille, égalité… ce qui signifie respect de la pensée. Ce que cela signifie d’être aussi le président des pauvres Brésiliens, pas seulement le président des riches et des puissants », a écrit le jeune spécialiste Gonzalez Infante sur son profil Facebook.
C’est un sentiment partagé. L’Association des médecins diplômés de l’École latino-américaine de médecine de Cuba a publiquement exprimé sa gratitude « aux Cubains qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes au cours de ces années du Programme et qui nous ont aidés à opérer des améliorations jamais imaginables auparavant, telles que la réduction de la mortalité infantile et maternelle et la diminution des hospitalisations sensibles aux soins primaires, assurant des soins efficaces, humains et dignes ».
« Nous remercions le peuple cubain qui nous a courageusement fourni ses meilleurs médecins, les plus expérimentés, dans le but de prodiguer aux Brésiliens des soins médicaux dignes et de qualité. Nous sommes à la disposition de Cuba et de nos collègues dans tout ce qui sera nécessaire, dans la résistance, en luttant avec énergie et courage pour un Brésil plus juste et solidaire. Quand il s’agit de santé, un pays comme Cuba doit être respecté, les idéologies ne doivent pas être imposées face aux besoins essentiels de la population, notamment ceux des plus démunis », signale le communiqué.
Face aux accusations de Bolsonaro, le Dr Gonzalez Infante précise : « Je ne travaille pas seulement pour des raisons économiques. Je travaille parce que j’aime mon métier, parce que je ne serai jamais riche au détriment des pauvres. Parce que jamais je ne vivrai de la politique. Parce que jamais je ne tromperai les pauvres avec de fausses promesses. Parce que jamais je ne planterai la haine et la discrimination dans le cœur de qui que ce soit.
«J’ai accepté les termes d’un contrat, librement et personnellement, conscient qu’avec cet argent, ma mère, mes frères, mes neveux, mes cousins, mes cousines, mes oncles, mes voisins, toutes les familles, ont la garantie de soins de santé. Sans rien payer. Conscient de ma formation de médecin et grâce à la création d’universités publiques dans tout le pays, où les enfants de maçons, d’avocats, d’agriculteurs, d’employés de ménage, de postiers, de médecins, etc… partagent la même salle de classe sans discrimination de sexe, de couleur, d’idéologie, de richesse. Cela, Bolsonaro, c’est ce qu’on appelle l’égalité », a souligné ce professionnel de la santé originaire de la province d’Holguin qui travaille à Recife, dans le nord-est du Brésil, et qui se souvient que l’histoire est catégorique et que ceux qui n’en tirent aucune leçon sont condamnés à la revivre.
Source: Granma International